Une bonne nutrition et hydratation lorsque l'on pratique un sport d'endurance comme le triathlon, le cyclisme ou la course à pied est capitale pour notre santé et nos performances. Pourtant, de nombreux athlètes négligent encore l'importance des glucides dans leur alimentation pendant l'effort.
Il n’est pas rare d’entendre ou de voir des marathoniens préparer leur épreuve pendant 12 semaines ou plus et partir sur leur marathon en comptant sur les ravitaillements proposés par l’organisation en ne sachant pas ce qui sera distribué en se disant que “des raisins secs et quartiers d’oranges feront l’affaire avec un verre d'eau à chaque ravitaillement”. C'est comme si tu organisais ton mariage et que tu oubliais le traiteur... ça risque de mal se passer à un moment.
Maintenant, voyons pourquoi un apport de glucides est si important, et comment optimiser leur apport en fonction de la durée et de l'intensité de l’entraînement ou de la compétition.

Un peu d'explications pour comprendre comment notre organisme fonctionne durant l'effort
Vous l'avez bien compris, si l'apport nutritionnel n'est pas optimisé, alors la performance ne pourra pas l'être non plus. Voyons pourquoi cela peut rapidement devenir un facteur limitant.
Le glycogène est la principale réserve de glucose (stock de glucides) de l'organisme, stockée principalement dans les muscles (~ 400g) et le foie (~ 100g). Il s'agit de la forme sous laquelle le glucose est stocké de manière temporaire dans l'organisme.
Le glycogène musculaire constitue la principale source d'énergie disponible pour le muscle. Cependant, les réserves en glycogène sont limitées, (~500g). Cependant, l'entraînement améliore significativement les réserves glucidiques. Les athlètes d'endurance élite peuvent ainsi stocker jusqu'à 700g de glycogène musculaire lorsque leurs réserves sont pleinement reconstituées.
Au cours d'un exercice, les réserves de glycogène vont progressivement être épuisées si l'effort se poursuit. On parle alors de déplétion glycogénique.
La déplétion glycogénique fait référence à l'épuisement des réserves de glycogène dans l'organisme.
La déplétion glycogénique, facteur majeur de fatigue
Lors d'un exercice prolongé, la déplétion glycogénique est un des principaux facteurs limitants de la performance en endurance, car elle entraîne une baisse de la production d'énergie aérobie par le muscle. Elle participe à l'apparition précoce de la fatigue lors d'efforts prolongés. (Hargreaves et al., 1984; Tsintzas et al., 1995).
Maintenir ou réduire l'utilisation du glycogène musculaire est donc un enjeu important. Pour préserver ce dernier (stock limité), un apport de glucides précis doit être déterminé pour continuer de produire un effort soutenu et optimiser les performances.
Pour palier cette déplétion glycogénique, et ainsi l'apparition prématurée de la fatigue, c'est ici qu'interviennent les apports exogènes.
Les glucides, notre principale source d'énergie en endurance
Plusieurs études ont montré que le glycogène musculaire constituait la principale réserve en énergie mobilisable lors d'efforts prolongés (Coyle et al., 1986; Hargreaves et al., 1984; Romijn et al., 1993). Or nos réserves en glycogène endogènes sont limitées, les 500g stockés dans l'organisme ne représentent que ~3000 kcal, ce qui est insuffisant pour un marathonien hautement entraîné par exemple (Jeukendrup, 2010).
Fletcher, J. R., Esau, S. P., & Macintosh, B. R. (2009) ont réalisé une étude sur l'économie de course à pied : au-delà de la mesure de la consommation d'oxygène et "Il a été conclu que l’expression de l’économie de course en termes de coût unitaire calorique est plus sensible aux changements de vitesse et constitue une expression plus précieuse de l’économie de course que la consommation d’oxygène, même lorsqu’elle est normalisée par distance parcourue."
Autrement dit, si deux athlètes ayant les mêmes capacités réalisent la même compétition, et que l'un d'entre eux ne consomme pas ou pas suffisamment de glucides et que l'autre a une stratégie nutritionnelle optimisée, voici ce qu'il risque d'arriver (Figure 1). Celui qui n'aura pas eu d'apports exogènes verra son niveau de performance décroître rapidement tandis que l'autre pourra continuer de maintenir un effort soutenu dans la durée.

Figure 1 : Tolérance à l'effort en fonction des apports exogènes
Déterminer les bons apports
Comme vous l'avez compris, si vous ne voulez pas aller droit à l'échec, il est préférable de déterminer et d'essayer une stratégie nutritionnelle à l'entraînement. Ici, l'apport de glucides est comparable au carburant d'une voiture, si l'on soutient un effort longtemps, il est préférable de savoir où et quand on va faire le plein avant d'effectuer un long trajet si vous ne voulez pas tomber en "panne sèche".
L'ingestion combinée de plusieurs sources de glucides s'est montrée intéressante pour limiter l'inconfort gastrique associé à la prise de glucides pendant l'exercice (O'Brien et al., 2011). En effet, l'ingestion simultanée de glucose et de fructose augmente le taux d'oxydation des glucides ingérés et réduit l'utilisation du glycogène musculaire. De plus, ce type d'ingestion a également été associé à de meilleures performances en endurance (Currell and Jeukendrup, 2008).
Il semblerait que notre capacité d'absorption des glucides soit limitée à environ 60 g/h, et ce quel que soit le type de glucide ingéré (Hawley, J A et al., 1992). Autrement dit, si nous ingérons du glucose seul à 60 g/h, 90 g/h ou 120 g/h, nous ne pourrons en réalité métaboliser qu'environ 60 g/h. Le reste restera alors dans l'intestin (Jeukendrup, A E et al., 1999), risquant d'occasionner des troubles digestifs.
C'est pourquoi l'ingestion combinée de plusieurs sources de glucides comme le glucose et le fructose présente des avantages, en permettant de dépasser cette absorption limitée à 60 g/h et ainsi d'optimiser l'apport énergétique.

Figure 2 : Récupération à court terme des réserves de glycogène musculaire et hépatique après des exercices exhaustifs

Figure 3 : Contribution relative des substrats à la dépense énergétique totale
Podlogar, T., & Wallis, G. A. (2022). New Horizons in Carbohydrate Research and Application for Endurance Athletes. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 52(Suppl 1), 5–23.
https://doi.org/10.1007/s40279-022-01757-1
Jentjens, R. L., Moseley, L., Waring, R. H., Harding, L. K., & Jeukendrup, A. E. (2004). Oxidation of combined ingestion of glucose and fructose during exercise. Journal of applied physiology (Bethesda, Md. : 1985), 96(4), 1277–1284. https://doi.org/10.1152/japplphysiol.00974.2003
Adapter les doses
La quantité optimale de glucides à ingérer dépend de l'intensité et de la durée de l'effort.
Pour des efforts de courtes durées et peu intenses, si un repas a été ingéré peu de temps avant l'entraînement, un apport n'est pas forcément nécessaire durant la session. Si l'effort s'allonge mais reste facile (<LT1) alors un apport de 40-60g /heure devient nécessaire.
Pour des efforts modérés (entre LT1 et LT2), il est recommandé d'ingérer des glucides avant et pendant la séance (si pas d'apport avant) 40-60g /heure pour une durée <1h30. Pour des sessions allant au-delà d'1h30, consommer 60-90g /heure est un bon compromis pour préserver vos réserves.
Pour des efforts de hautes intensités (>LT2) un apport glucidique élevé doit être systématiquement envisagé avant et pendant la séance. Une consommation de 90-120g/heure pour des efforts de longues durées (>1h30). Pour des efforts de courtes durées, la stratégie de "mouth rising"* ou rinçage de bouche semble être un bon compromis pour réussir son entraînement sans trop perturber le système digestif.
Le rinçage de bouche avec une solution glucidique active des récepteurs gustatifs spécifiques aux glucides, les protéines G couplées aux récepteurs T1R2 et T1R3, situés dans la cavité buccale. Cela déclenche l'activation de certaines régions cérébrales liées à la motivation et à l'intensité d'effort perçue (Rollo and Williams, 2011). Le rinçage buccal aurait pour effet de diminuer la perception subjective de l'effort.
Une bonne hydratation (500ml / heure) est également indispensable pour une performance optimale. L'apport en glucides et en eau doit être dosé avec précision pendant l'effort.

Podlogar, T., & Wallis, G. A. (2022). New Horizons in Carbohydrate Research and Application for Endurance Athletes. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 52(Suppl 1), 5–23. https://doi.org/10.1007/s40279-022-01757-1
Solide VS Liquide
Pfeiffer et al. (2010) ont comparé l'efficacité de l'ingestion de glucides sous forme solide ou liquide lors d'un exercice cycliste de 180 minutes à 58% de VO2max.
Huit cyclistes entraînés devaient soit ingérer une barre énergétique (400mL d'eau + 43g de glucides) soit une boisson énergétique (400mL de 10,75% glucose + fructose).
Aucune différence dans l'oxydation maximale (barre : 1,25 ± 0,15 g/min ; boisson : 1,34 ± 0,27 g/min) ou moyenne (barre : 1,03 ± 0,11 g/min ; boisson : 1,14 ± 0,16 g/min) des glucides n'a été observée entre les deux formes d'ingestion.
Dans une étude similaire, Pfeiffer et al. (2010) ont montré qu'il n'y avait pas non plus de différence lorsque les glucides étaient ingérés sous forme de gel ou de boisson, toujours à dose équivalente.
Pour résumer, la forme solide ou liquide des glucides ingérés n'a pas d'impact sur leur oxydation et l'efficacité énergétique. Le côté pratique des gels peut-être intéressant en course, pour éviter toute perte de temps. Cependant, chaque gel, barre ou boisson doit être testé au préalable à l'entraînement afin d'éviter les risques d'indigestion qui pourraient nuire à votre performance.



Conclusion
Attention au leurre de la balance : mangez pour performer !
Beaucoup d'athlètes, dans leur quête de performances, négligent leur alimentation pendant l'entraînement. Leur objectif ? Éviter de "prendre du poids".
Pourtant, s'entraîner régulièrement et intensément tout en se privant n'est pas une stratégie payante sur le long terme. Votre corps a besoin de carburant pour encaisser le volume d'entraînement et récupérer convenablement.
Prenez l'exemple de Kristian Blummenfelt. Certes, le champion norvégien n'affiche pas un corps ultra affûté toute l'année. Mais cet athlète consomme énormément de calories quotidiennes pour encaisser des charges d'entraînement élevées sans risque de blessure.
La balance entre quelques kilos supplémentaires sur la balance et la possibilité de rajouter 1 à 2h d'entraînement intensif chaque jour, le rapport performance/poids sur le long terme n'est pas en faveur de la restriction à tout prix.
Alors oubliez le leurre de la balance et mangez pour performer ! Votre corps a besoin de carburant pour progresser durablement. La santé et les résultats à long terme sont bien plus importants que des kilos superficiels.

Pourquoi la nutrition est aussi importante que l'entraînement
À l'entraînement, nos apports glucidiques sont indispensables. D'une part pour habituer progressivement notre système digestif aux sollicitations particulières de l'effort intensif, en consommant régulièrement des glucides à chaque séance.
D'autre part parce que les glucides constituent nos principales réserves d'énergie sous forme de glycogène musculaire. Or ces réserves ont tendance à décroître au fil d'une sortie prolongée. S'alimenter permet de compenser cette baisse et de tenir plus longtemps dans nos efforts.
Côté récupération, une alimentation adaptée facilite le remplacement du glycogène utilisé, afin de renouveler le stock de glycogène. On aborde ainsi la séance suivante avec des stocks optimaux.
En compétition, le moindre écart se paye cash. Le ravitaillement doit nous permettre de tenir sur la distance malgré la fatigue, sans coup de moins bien lié à des réserves vidées. Notre marathonien qui aura pris 5 poignées de raisins secs (79g de glucides / 100 grammes) et une orange (24g de glucides / 200g), ne consommera qu'environ 100g de glucides sur son marathon alors qu'il lui en fallait ~270g (90g / heure) pour optimiser sa performance. Les apports de glucides sont donc cruciaux pour tenir le rythme jusqu'au bout.
Une nutrition efficiente est tout aussi indispensable qu'un entraînement bien structuré. C'est un élément clé pour performer durablement.
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Bibliographie
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